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Lynn Hill

Ouvertures

1979 : Hidden Arch, 5.12 c (7b+) à Joshua Tree
1979 : Orphir Broke, 5.12d (7c) à Telluride
1980 : Levitation 29; 5.11c (6c+) à Red Rocks
1984 : Organic Iron; 5.12d (7c) à Shawangunks
1984 : Yellow Crack Variation; 5.12c (7b+) à Shawangunks
1985 : Artificial intelligence; 5.13a (7c+) à Shawangunks
1988 : The greatest show on earth; 5.12d ‘7c) à New river gorge
1989 : Running man; 5.13d (8b) à Shawangunks
1993 : The Nose; 5.13b (8a) à Yosemite
1994 : The Nose; 5.13b (8a) en moins de 24 heures

Dès l’enfance, Lynn possédait une incroyable énergie. A six ans, elle gagnait des compétitions de natation; à partir de ses neuf ans, on la considérait comme une excellente gymnaste. A quatorze ans, elle faisait sa première journée d’escalade avec deux de ses six frères et soeurs dans le Big Rock, près de Los Angeles. Ce jour-là, sa soeur aînée, prise de panique, l’avait envoyée en tête dans une voie très exposée. Lynn fut conquise, et dès lors, pendant deux ans, elle passa de nombreux week-ends avec ses deux soeurs dans la nature vierge et sauvage de Joshua Tree. Puis elle se mit à travailler dans un fast-food pour gagner l’argent nécessaire à ses sorties d’escalade.

A seize ans, elle rencontra Charlie Row, son premier copain, au Yosemite. Comme ils étaient des partenaires de même niveau, Lynn prit la tête dans le passage clé de Serenity Crack (5.l0d), bien qu’elle eût fait une chute de dix mètres quelques instants auparavant. A dix-sept âns, elle renonçait à la gymnastique pour se consacrer uniquement à l’escalade. En réversible avec Charlie, elle gravit la face N.W. du Half Dome. Un an plus tard, Lynn et son amie Mary Gingery réalisaient le Shield, la grande dalle de El Capitan jadis une voie sérieuse et très technique dans la vallée du Yosemite.

Les grimpeurs de pointe commencèrent à porter leur attention sur cette frêle et jolie fille extrêmement douée techniquement qu’ils avaient surnommée  » Little Lynny « . John Long, l’un des meilleurs Californiens, était devenu son nouveau compagnon. Un couple surprenant : John, un paquet de muscles, faisait l’effet d’un géant au coeur tendre tan-dis que Lynn ne lui arrivait pas même à l’épaule. Encouragée par John, Lynn commença à s’entraîner systématique-ment aux haltères afin d’acquérir davantage de force. Lynn et John firent équipe pendant plusieurs années consécutives et remportèrent de nombreux succès, résolvant les problèmes les plus épineux dans maints secteurs. Ils réussirent, en réversible, la première en libre de Levitation 29, actuellement une des plus belles classiques des Red Rocks. A Telluride, Lynn parvint même à réaliser la première en libre d’Orphir Broke (5.12d), une des voies les plus dures de la région.

En 1980, Lynn participa pour la première fois à Survival of the Fittest. Quatre années de suite, elle remporta ce grand show de l’aventure, une combinaison de saut à l’élastique, de cross, descente en rappel, natation et kayak, l’argent ainsi gagné, soit 30 000 dollars, lui permettant de financer ses études.
Séparée de John, Lynn retourna vivre sur la côte californienne où elle prit un emploi de professeur de gymnastique et se fit connaître comme coureuse de demi-fond – elle arriva troisième aux championnats de Californie. Puis, invitée à New York, elle découvrit le Shawangunks.

Le milieu de l’escalade lui semblait plus ouvert, plus sympathique et les rochers lui plaisaient, alors Lynn s’installa à New Paltz, près des Shawangunks. Russ Raffa, l’un des meilleurs grimpeurs de la région, devint son partenaire de cordée et son compagnon. Connaissant parfaitement son niveau à vue, étant capable d’évaluer objectivement les risques et d’appréhender la peur de manière rationnelle, elle se débrouillait très bien dans certaines voies extrêmement difficiles à protéger.  » Dans les situations périlleuses où la chute est possible, il faut que tu te concentres sur ce que tu fais. Tu dois ignorer la peur, avoir confiance et te convaincre que tu ne tomberas pas. « 

Pour joindre les deux bouts, elle donnait des cours d’escalade. Parallèlement, elle terminait ses études de biologie et une formation de psychothérapeute.

En 1986, l’American Alpine Club lui proposa de participer à des rencontres dans le Verdon. C’est là qu’elle rencontra Marco Scolaris qui l’invitera à son tour aux compétitions du Sport-Roccia. Ses premières expériences de compétition ne furent pas des meilleures. Les arbitres modifièrent subitement les règles en pleine manifestation, si bien que Catherine Destivelle l’emporta! Par la suite, Lynn vécut entre les États-Unis et la France, jusqu’au moment où elle décida de quitter son job de professeur d’escalade pour s’installer dans l’Hexagone. Le 9 mai 1989, elle survécut de justesse à une chute de 22 mètres à Buoux et s’en tira avec une blessure au coude et une fracture de la cheville – elle ne s’était pas encordée correctement! En 1990, Lynn consacra beaucoup de temps à se préparer systématiquement pour enchaîner une voie difficile. Le résultat de sa ténacité et de son ambition ne se fit pas attendre, elle fut la première femme à atteindre le niveau 8b+ en réalisant Masse critique: »

En compétition – une situation familière depuis sa plus tendre enfance -, Lynn remporta de nombreuses victoires et bouclâ la saison 1990 comme championne du monde ex aequo avec Isabelle Patissier.  » Il est évident que les autres participants me poussent à donner le meilleur de moi-même. Car, au fond, je ne lutte pas contre les autres, mais surtout contre moi-même – la voie est mon adversaire, pas l’autre grimpeur. Avant le départ, j’essaie d’éliminer toutes les tensions, d’avoir un esprit positif et confiance en moi en revivant mes meilleurs souvenirs.  » De 1987 à 1992, elle fut la championne de toutes les compétitions et prit place sur le podium du vainqueur plus de trente fois. Elle gagna entre autres cinq fois le Rockmaster d’Arco, indéniablement la rencontre la plus importante. Après une première place de coupe du monde à Birmingham en 1992, elle décida de mettre un terme à la compétition.  » Cette vie ne me satisfaisait plus. Toutes mes pensées étaient tournées vers l’escalade, l’entraînement et la prochaine compétition. Je voulais élargir mon horizon et enrichir ma vie. « 

De retour sur les rochers, en 1993, Lynn trouva la solution pour libérer le Nose, l’un des problèmes majeurs de l’escalade en libre de notre époque. Après plusieurs vaines tentatives avec Simon Nadin et Brooke Sandahl, au cours des-quelles elle réussit à gravir les longueurs les plus difficiles, elle élabora une stratégie très claire pour les 34 longueurs et se lança dans une autre tentative en compagnie de Brooke. Ils avaient prévu un bivouac de manière à avoir quelques longueurs d’échauffement avant les passages clés. Le succès lui donna raison, puisqu’elle réussit du premier coup les passages les plus ardus, la jonction entre les deux fissures du Great Roof (5.13b) et la Longueur Hudini, un dièdre aussi lisse que la peau d’une anguille situé dans la trentième longueur (5.13b).

Un an plus tard, Lynn se surpassait en libérant entièrement le Nose en vingt-quatre heures. A Céüse, elle grimpait 20 à 30 longueurs par jour pour acquérir l’endurance nécessaire à El Capitan. Puis, dans le Verdon, elle mit sa forme à l’épreuve en réalisant Mingus à vue, une voie comportant 11 longueurs. De retour

Dans le Nose, Lynn gravit alors chaque longueur en tête et en libre, son partenaire, Steve Sutten, la suivait au Jumar et hissait le ravitaillement pour que Lynn puisse se concentrer sur l’escalade. Comme ils étaient partis vers 22 heures, elle dut gravir plusieurs longueurs de 8 et les fissures Stoveleg à la lueur d’une lampe frontale. Le lendemain soir, elle échoua trois fois dans un dièdre avant de franchir enfin les longueurs en libre. Alors, de nouveau éclairée par sa lampe frontale, elle réussit à passer le surplomb final en 5.12c .

Au cours de toutes ces années, Lynn avait réussi à atteindre ses objectifs au prix d’une remise en question et d’une lutte permanente contre elle-même.  » Quand tu crois vraiment que tu peux aboutir, alors tu commences à imaginer la réussite et tu trouves le moyen d’y parvenir! Si tu doutes de toi, tu ne t’imagines même pas les solutions possibles! Sous maints aspects, l’escalade est devenue pour moi la métaphore du bonheur – je crois que, pour vivre heureux, il faut accepter l’effort, se dominer et tout pré-voir afin d’acquérir un certain état d’es-prit, et surtout se dire que l’escalade n’est qu’un moyen de locomotion. Tes performances sont bien moins importantes que ce que tu apprends lors du processus – ce qui compte n’est pas où tu grimpes, mais comment tu le fais! Si tu as franchement l’intention de parvenir à quelque chose, tu développeras une énergie incroyable. Celui qui ne grimpe que pour cocher une voie sur son palmarès ou pour lire son nom dans les guides et magazines spécialisés est mû par une mauvaise énergie – d’ailleurs, ce sont ces gens-là qui trafi-quent les rochers selon leurs besoins et qui taillent des prises artificielles! L’escalade me guide dans une bonne direction et fait de moi un être apte à la vie, elle me rend attentive et me fait respecter la nature. L’escalade, c’est entrer en contact direct avec la nature, c’est nous rapprocher d’elle et ne former plus qu’un avec elle. « 

Lynn Hill est la plus grande grimpeuse de notre époque, une femme qui, toutes disciplines confondues, a fixé de nouveaux critères. Elle fut la première au monde à gravir à vue une voie de 8a+ et à enchaîner en libre une voie de 8b+ . Mais, outre ses performances, Lynn fascine par la positivité qui émane d’elle, par sa volonté, sa gentillesse, sa franchise et sa serviabilité. Elle compte parmi les grandes figures du milieu de l’escalade.

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