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Beat Kammerlander

Si j’en sors vivant, jamais plus je ne grimperai.  » C’était en 1977, dans le dangereux dièdre Paula (6+/Al)’.Mais cette résolution ne tint pas même une semaine. Pourtant Beat n’était pas un novice. Il avait rencontré une bande d’ex-cellents grimpeurs, dont Wolfgang Loaker, Thomas Burtscher et Wolfgang Muxel et les avait accompagnés lors de plusieurs classiques dans les grandes parois alpines. Il connaissait la face nord de l’Eiger (1980) où, pris par le mauvais temps, il avait contracté des engelures graves aux doigts et aux orteils. Rétabli en 1981, il réussissait l’ascension en solo du pilier central du Hei-ligkreuzkofel, considéré à l’époque comme la voie la plus difficile des Dolomites.

Dès 1984, il recherche les voies sportives, malgré un bref retour à l’alpinisme traditionnel en 1986. La grimpe dans Le Maximum ou Morbus Scheuermann, des voies psychiquement éprouvantes qu’il avait ouvertes en style classique, sans spits, ne le satisfont guère.

Deux ans plus tard, le style révolutionnaire des ouvertures du Suisse Martin Scheel l’incite de nouveau à se tourner vers la montagne. Scheel ne réfutait pas l’utilisation de spits pour s’assurer, il attaquait par le bas et grimpait en libre à partir du dernier point d’assurance jusqu’à ce qu’il puisse poser un coinceur ou un cliff, pour mettre ensuite un spit. Cette méthode permettait d’équiper de remarquables voies de libre, bien protégées, comme par exemple Amarcord. Beat s’inspire alors du style de Scheel et se lance, en 1988, dans toute une série de nouvelles ouvertures. « New Age a été un moment déterminant, qui explique sans doute pourquoi je grimpe encore. La grimpe en école d’escalade devenait de plus en plus ennuyeuse, elle s’apparentait trop à un défi purement physique. Mais l’escalade a toujours représenté davantage à mes yeux, j’ai envie de sensations fortes, de me confronter à la peur. Quand tu t’engages sur une dalle lisse sans savoir si elle est faisable, ni l’endroit où tu pourras mettre le prochain point d’assurance, tu ressens une certaine appréhension, c’est une véritable épreuve pour les nerfs. Mais, avec l’expérience, j’ai au moins appris à prévoir les enchaînements de mouvements d’avance. « 

Bien que Béat ne soit pas fragile psychiquement, il connaît lui aussi la peur de sauter dans le vide.  » Au début d’une voie, le seuil d’inhibition est relativement élevé, puis la disponibilité à prendre des risques augmente au fur et à mesure que je m’élève. Ensuite, c’est une sensation exaltante de décrypter l’itinéraire longueur après longueur.  » S’il ne parvient pas à gravir un passage en libre, il redescend en rappel sans tenir compte ni de l’énergie ni du temps qu’il y a investi.  » Même si je peux utiliser des spits pour m’assurer, il faut que le facteur « impossibilité » subsiste. Je ne tiens pas à forer une échelle de spits sur cinq mètres sous prétexte qu’il faut continuer. J’agis en sorte qu’un autre puisse ouvrir une nouvelle ligne dans un autre style d’ici quelques années.  » Il réprouve par principe ceux qui taillent des prises artificielles pour rendre praticables les quelques mètres qui leur manquent éventuellement.  » Je me moque que l’on taille des prises artificielles dans des surplombs friables, mais cela risque de devenir une habitude, une véritable consommation des voies intéressantes. Si l’on continue, la jeune génération ne pourra plus s’attaquer à certains itinéraires qui semblent encore trop difficiles actuellement et qui requièrent des années de travail. « 

Bien que Béat fréquente souvent les falaises et soit capable d’ouvrir des voies allant jusqu’au XI, son terrain de jeu favori reste le Râtikon. Des voies comme New Age, Die unendliche Geschichte et Szlbergeier sont des jalons importants dans l’histoire de l’escalade, ces itinéraires témoignent d’une grande liberté d’esprit et d’une conception de l’escalade libre où le rocher reste un ter-rain de jeu qui permet de se confronter à soi-même avec franchise et fair-play.

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