On peut devenir prisonnier de la grimpe; car, si l’on se fixe pour » objectif d’être toujours le meilleur, il faut vivre en fonction de ses ambitions. Alors, la seule chose qui reste à faire est de grimper, et de grimper sans relâche. On est alors incapable d’autre chose. Comme je veux rester ouvert à d’autres aspects de la vie, je ne me consacre pas entièrement à l’escalade extrême et préserve ma liberté. J’aime le changement. Si je retourne à l’escalade sportive après une période de montagne, c’est parce que je suis complètement motivé et plein d’énergie. Je prends alors plaisir à m’entraîner pour retrouver la force et la technique qu’elle exige, et pour revivre toutes les sensations qu’elle procure. Je suis capable de me consacrer entièrement à une voie, parce que j’aime faire les choses à fond. Découvrir, investiguer, la quête d’un ajustement optimal aux aptitudes requises pour résoudre un problème spécifique, tels sont les éléments fondamentaux de ma passion, l’escalade. «
Patrick s’exprime surtout dans son mode de vie et dans sa manière d’être, il émane de lui la sérénité propre à ceux qui vivent en accord avec eux-mêmes et se sentent libres. Depuis une dizaine d’années, il compte non seulement parmi les meilleurs alpinistes français, mais aussi parmi les chefs de file de l’escalade extrême. Sa notoriété est d’ailleurs confir-mée par Top 30, un ouvrage sur les grands de l’alpinisme et de l’escalade paru en 1988, qui le range en deuxième place, derrière Patrick Edlinger, tandis que Reinhold Messner y occupe la sixième place.
Les falaises des Alpes-Maritimes qu’il admirait tant à1quatorze ans, lors de randonnées en montagnes, exercent une telle attraction sur lui qu’en 1971 il se lance avec un camarade de classe dans la » Tête de chien>;, une falaise qui se dresse au-dessus de Monaco. En 1973, il séjourne dans le Verdon et découvre ses célèbres falaises, puis, en 1975, il réussit l’ascen-sion du pilier du Frêney, une grande classique du massif du Mont-Blanc. Dès 1977, il fait toute une série d’enchaînements en solo dans le Verdon, gravit successivement plusieurs des grandes voies de l’époque en une journée en alternant descente et ascension. Quand il appliquera ensuite cette méthode aux 4 000 du massif du Mont-Blanc, il déclenchera une véritable révolution dans le monde de l’alpinisme.
Patrick découvre l’escalade libre en 1978 lors de rencontres internationales dans le Verdon. » Les prestations de Ron Fawcett et de Pete Livesey m’ont ouvert les yeux ainsi qu’à bien d’autres Français. A l’époque, nous aussi, nous essayions d’utiliser le moins de spits possible, mais pas avec un tel systématisme. «
Très vite, il se lie d’amitié avec Patrick Edlinger et partage avec lui sa passion pour la grimpe. Ils feront alors équipe pendant trois ans. On les rencontrera dans le Verdon, ils tourneront des films dans les Alpes. En hiver 1979 ils enchaînent, en vingt-trois heures, la face nord de l’Ailefroide et la voie des Plaques de Glace. Puis leurs chemins se séparent au cours de l’été 1980, quand Patrick part pour l’Himalaya. A son retour, il se consacre à l’escalade libre et pose un nouveau jalon dans l’histoire de l’escalade française en réalisant La Haine en libre (7c+) en novembre 1980.
Le Toit d’Auguste qu’il ouvre en 1987 compte sans doute parmi les voies les plus difficiles au monde. Jamais Patrick ne s’était préparé spécialement à une voie. Plusieurs années auparavant, il avait, certes, déjà fixé plusieurs spits dans cet énorme toit et en avait gravi toutes les sections sauf une. Mais, préférant laisser la voie intacte, il travailla pour retrouver la condition physique nécessaire pour répondre aux exigences spécifiques de cette ligne courte mais requérant des forces quasiment surhumaines. Alain Bondetti, son employeur au Centre pilote d’escalade et d’alpinisme, lui demanda alors de se préparer spécialement pour ce projet. Patrick, qui d’habitude aimait grimper spontanément, s’entraîna dès lors dans une dalle qui mène au fameux toit et effectua de nombreuses traversées. Quand, dàns l’après-midi du 28 janvier 1987, il se lança dans une tentative qu’il voulait décisive, 15 copains étaient là pour l’encourager. Il réussit alors à gravir la plus difficile de ces voies à la première tentative.
Ce qui le motive le plus à grimper est cette osmose entre l’homme, le rocher et la nature. » Trafiquer les rochers équivaut à une amputation, cela coupe toute envie. Les grimpeurs qui adoptent de telles pra-tiques cherchent à gravir les échelons trop vite. Au lieu de se préparer eux-mêmes pendant des années, ils adaptent le rocher à leurs besoins. Nous devrions aller à la rencontre du rocher et de la nature en toute humilité, accepter que l’impossibilité existe. «
Depuis 1979, Patrick tourne dans des films d’escalade. Il a commencé à travailler avec le cameraman Laurent Chevalier et le producteur Jean-Paul Janssen ‘lors du tournage de Voie Express. Depuis, d’autres films comme Overdon, Overice et Oversand, où intervient aussi Patrick Edlinger, ont rencontré un énorme succès médiatique. Metamorphosis, tourné en 1987, a été primé à plusieurs reprises ce film raconte l’histoire d’une créature étrange, jouée par Patrick Berhault, qui, jaillie des flots, s’échoue dans les rochers et se transforme en être humain au terme de plusieurs métamorphoses. Puis, en 1989, Grimpeur étoile, composé d’une alternance de ballets burlesques et de scènes d’escalade, est l’histoire fictive de l’escalade, de l’âge de pierre jusqu’aux prochains millénaires.
Depuis 1977, Patrick, l’homme aux multiples talents, vit de ses diverses activités. Il est guide de haute montagne, agriculteur, acteur, grimpeur et beaucoup d’autres choses encore.Voici ci dessous un extrait de Libération du 29 avril 2004 relatant la disparition de Patrick.
« Parti le 1er mars de St-Christophe-en-Oisans pour enchaîner les 82 sommets alpins de plus de 4.000 mètres, a péri dans le Valais suisse. L’alpiniste français de 47 ans a été retrouvé mort jeudi par les secours à 7h30 après une chute la veille. «Vers 11h30 hier, alors qu’il progressait en compagnie de Philippe Magnin vers le sommet du Dom (4.545m), Patrick Berhault a fait une chute importante sur le versant raide qui domine Saas Fee. Philippe Magnin, à cause des mauvaises conditions météo qui régnaient, l’a perdu de vue à ce moment-là. Philippe est alors revenu seul chercher du secours au bivouac Mischabeljoch, d’où il a été héliporté vers Zermatt en compagnie des guides Didier Angelloz et Eric Magnin. Malheureusement le temps ne permettait pas aux hélicoptères de faire des recherches approfondies. Il fallait également exclure l’idée d’une caravane terrestre dans ce secteur difficile. Ce matin, une météo plus clémente a permis des recherches en hélicoptère. Son corps a été retrouvé et ramené à Zermatt» »