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Alexander Huber

Grimper, c’est relever un défi, résoudre des problèmes qui, d’emblée, semblent insolubles. Plus je dois travailler une voie, plus j’en tire de satisfactions. Les lignes les plus extrêmes me motivent. » En réalisant l’ouverture de quatre voies de XI, en l’espace de quatre mois, Alexander s’est hissé au niveau des stars internationales de l’escalade. Ce grimpeur sympathique et ouvert, originaire de Palling, envisage ses objectifs avec une extraordinaire ténacité et une discipline d’acier.

Pour ouvrir Om, il a étudié chaque séquence pendant plusieurs semaines avec une précision d’horloger: deux jours de grimpe, un jour de repos. Chaque jour, il faisait en courant 700 mètres de déni-velé pour perdre du poids. L’extrémité de cette voie, qui ne présentait que des prises minuscules, était barrée par une longueur redoutable constituée d’un passage de bloc de douze mètres de hauteur. Dans ce passage qu’il franchit au sprint sans s’enduire les mains de magnésie, les muscles ne servaient à rien, l’enjeu était plutôt de tirer profit de la moindre rainure en utilisant ses doigts et de déployer toute son énergie pour attraper la suivante. Faire Om témoignait d’une immense confiance en soi et exigeait d’extraordinaires forces physiques et mentales – qualités qui, avec la patience, sont sans doute les clés des performances d’Alexander.

Il n’a réalisé certaines voies que plusieurs années après les avoir équipées.  » Les voies en falaise ne représentent un défi que si elles restent naturelles. Les problèmes que posent les rochers sont un des aspects essentiels de l’escalade. Si je modifie des prises, je ne résous pas le problème, je le modifie. A mon avis, les prises artificielles sont comparables aux autres moyens techniques comme les spits et les coinceurs… Selon la définition de l’escalade libre (progresser en n’utilisant que des prises naturelles), les itinéraires comportant des prises artificielles ne sauraient être considérés comme des voies de libre.  » Alexander ne croit pas que ce soit le manque de voies naturelles qui pousse à trafiquer les voies.  » Le potentiel existe, mais l’envie de réussir et l’incapacité à faire face aux problèmes conduisent trop souvent à modifier une voie. « 

S’il a l’oeil pour discerner une belle ligne, ce n’est pas un hasard; en effet, il est en quête d’ouvertures et de voies prati-cables depuis qu’il a commencé à grimper. A Siurana, il passa des journées entières jusqu’à ce qu’il découvre et équipe La Rambla, une voie située dans une imposante falaise de 40 mètres de hauteur et présentant 15 mètres en surplomb. Cet itinéraire compte indéniablement parmi les voies naturelles les plus fascinantes. Il passa alors six semaines au refuge de Siurana avant d’en réussir l’ascension.

Comme de coutume, il sortit épuisé de cette expérience, et sombra dans une sorte d’apathie accompagnée d’une faiblesse surprenante. Mais Alexander se ressaisit rapidement. Au cours du même été, il s’attaqua à deux autres objectifs tout aussi exceptionnels et gravit Weisse Rose et Black Power (XI) à Schleierwasser, dans sa région natale. L’important pour lui est de se dépenser en plein air, qu’il s’agisse de gravir une montagne en suivant une arête ou de ramper à la découverte d’une grotte.

Très tôt, Alexander et Thomas suivent leur père, un alpiniste chevronné, en montagne. Dès 1984, les deux frères réalisent leur première ouverture en style alpin avec Rauhnachtstanz, cet exploit marque le coup d’envoi d’une série d’ouvertures dans la région de Berchtesgaden et dans les sites d’Endstal et de Karlstein. Les deux frères, partenaires d’égale valeur, font équipe, et Alexander se met en quête d’aventure et d’ouvertures audacieuses comme Vom Winde verweht, ou Scaramouche, une voie que les deux frères réussissent à gravir en libre dès le premier jour. Alexander possède une force psychique presque inquiétante. Tout est rationnel chez lui. Il évalue le danger, puis il grimpe à une telle distance au-delà du point d’assurance que le milieu de l’escalade en est stupéfait. Dans la longueur clé de Monstermagnet, il se lance ( sans avoir étudié la voie en moulinette ) dans une dalle désespérément lisse dépassant le IX, au risque de faire une chute de 30 mètres; par la suite il préférera y ajouter un spit.

Lors de la première ascension en libre du Headwall, le mur sommital de Salathé, il réussit une envolée de 10 mètres sans protection en X-, alors qu’il a 900 mètres de vide sous les pieds, parce qu’il refuse de laisser passer la chance d’une première en libre en recourant à d’inutiles coinceurs. Bien qu’il accorde davantage d’importance à ses voies sportives, la première en libre de Salathé compte parmi ses meilleurs souvenirs : pendant deux mois, il avait attendu en vain que le temps se prête à l’ascension. Il avait été coincé par une tempête de neige dans El Capitan, bivouaqué sous des pluies diluviennes et grelotté de froid en gravissant la cascade de Wet Pitch. Préférant la confrontation avec la nature et les liens privilégiés qu’il entretient avec elle, il ne participe à aucune compétition. Il reconnaît que cette discipline représente un réel défi sportif; il respecte les performances des autres, mais opte délibérément pour l’escalade en pleine nature. Étant guide de haute montagne, il veut se tenir à l’écart du sponsoring et terminer ses études de physique. Malgré ses performances, Alexander est resté simple; c’est un sportif motivé et honnête qui ne se prend pas pour une star, un modèle pour la génération suivante

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